Poisson, Laplace et Matrices

 

Dans cette page théorique relativement plus appliquée que les précédentes nous verrons comment on formalise et on traite finalement très simplement les équations des régimes dynamiques non associés à une propagation de l'énergie et que nous avons appelés dans les pages précédentes couplages magnétiques et électriques.

 

Un aspect intrinsèquement mécanique

Nous avons vu précédemment que l'aspect particulier du champ proche est de mettre en oeuvre des potentiels scalaires. Ces potentiels sont intrinsèquement reliés à un comportement mécanique (au sens classique du terme), plus précisément ils résultent du fait que l'on peut poser le problème en termes de forces à circulation conservative. On prend souvent un exemple électrique pour illustrer cela mais on pourrait tout aussi bien considérer la force qu'exerce un aimant sur un autre aimant, dans ce cas si le premier est fixe (ou plus généralement si on ne lui fournit aucune énergie mécanique moyenne au cours du cycle considéré) alors le travail global obtenu pour le deuxième aimant, lorsqu'il effectue n'importe quel mouvement fermé, est nul. Si ce n'était pas le cas, en admettant en parallèle le fait établi que l'énergie potentielle se conserve (celle que l'on peut associer au champ magnétique permanent des aimants), il serait assez  facile d'obtenir non seulement le mouvement perpétuel mais des machines "overunity" (ou l'énergie n'est plus conservée). L'existence de potentiels scalaires et le fait que l'énergie associée ne puisse se propager sont donc deux concepts intrinsèquement liés.

Aimant fixe et aimant mobile à circulation fermée


La difficulté essentielle de telles situations est qu'elles font intervenir une force de nature quadratique. Contrairement à la mécanique ondulatoire, la mécanique du champ proche n'est plus linéaire. Les outils et comportements associés à la mécanique ondulatoire ne sont donc plus valables. Toute tentative de vouloir visualiser les choses sous la forme de la propagation d'un phénomène qui soit dissocié de son origine et sa destination est donc vouée à l'échec. Comme nous l'avons largement expliqué dans les pages précédentes, cela ne résulte pas d'une incohérence ou incomplétude dans le système d'équations mais dans une tentative erronée de vouloir conceptualiser les choses systématiquement en termes de propagation.  Il n'y a pourtant là rien de bien extraordinaire, une telle situation est classique dans le domaine des milieux matériels, en mécanique des fluides par exemple, il ne viendrait à personne l'idée de vouloir considérer un écoulement comme la superposition d'ondes acoustiques.

 

Couplage électrique nul

Dans de tels cas on considère que le couplage est du aux effets à distance des champs magnétiques, les effets des champs électriques étant considérés comme négligeables, de telles situations sont obtenues lorsque les courants sont très élevés et les tensions très faibles. Cela concerne ainsi des circuits à basses impédances mais nous reviendrons la dessus plus tard.

Les équations les plus générales qui gouvernent ce régime sont :

(1)

(3)

(2)

(4)

Dans de nombreux cas pratiques on considère des boucles de courant dont la géométrie est fixe ce qui permet par intégration de l'équation (2) d'obtenir :

e est la force électromotrice (on ne peut plus parler de potentiel) et ΦB le flux du champ magnétique qui traverse le circuit. Pour pouvoir calculer le flux il faut déterminer le champ magnétique en résolvant le système d'équations (3) et (4). Toutefois sans faire aucun calculs on voit que le champ magnétique sera proportionnel au courant traversant le circuit, le flux traversant un circuit fixe sera donc aussi proportionnel au courant. par suite on obtient :

 

Si la force électromotrice est générée par un système de courants discrets on aura une contribution toujours linéaire de chacun des courants soit :

Les forces électromotrices aux bornes de chacun des circuits prendront la même forme et finalement on aura :

Cette dernière formule se prête très bien à une représentation matricielle.

Pour calculer les inductances, il faut dans chaque situation pratique résoudre le système (3) et (4) et calculer les flux magnétiques qui traversent les circuits.
En faisant intervenir le potentiel vecteur le système peut se réécrire :

(3)

(4)

On peut se placer dans la jauge de Coulomb et imposer arbitrairement :    

Et on obtient finalement :

Chaque coordonnée du potentiel vecteur vérifie ainsi une équation de Poisson et dans le vide entre les conducteurs une équation de Laplace. Cette dernière peut se résoudre soit de manière analytique si le problème possède une symétrie suffisante, soit de manière numérique. Le champ magnétique puis le flux qui traverse chaque circuit et finalement les inductances peuvent enfin être déterminées. 
Dans de nombreuses situations pratiques un tel procédé reste laborieux et il est souvent plus rapide et plus précis de mesurer les inductances que de les calculer.

Notons pour terminer que les coefficients d'induction sont de deux types, ceux avec des indices différents et ceux avec des indices identiques. Ceux qui ont des indices identiques sont appelés self inductances et les autres sont appelées inductances mutuelles. Il faut préciser que les Lij et Lji sont pratiquement toujours égaux, on peut y voir une sorte de principe d'action réaction mais cela découle plutôt d'un aspect mathématique appelé théorème de réciprocité (voir plus loin). La matrice des inductances est donc une matrice symétrique.  

 

Couplage magnétique nul

Cette fois on considère que le couplage est du aux effets des forces à distance d'origine électrique les effets des champs magnétiques étant considérés comme négligeables. De telles situations sont obtenues lorsque les tensions sont très élevées et les courants qui circulent dans les conducteurs très faibles. Donc des circuits à haute impédance cette fois.

Les équations les plus générales qui gouvernent ce régime sont :

(1)

(3)

(2)

(4)

Comme on s'intéresse surtout aux effets électriques à distance on peut cette fois totalement ignorer le champ magnétique dans un premier temps puisque de toute manière nous considérons ses effets comme négligeables, quitte à calculer dans une deuxième temps la faible composante du champ magnétique crée par la distribution des courants obtenus une fois le problème électrique résolu et ainsi pouvoir vérifier que les perturbations induites par ce dernier sont effectivement négligeables. 

L'équation (2)  implique que le champ électrique dérive d'un potentiel scalaire : l'équation (1) devient après substitution :

L'équation de Poisson précédente pour les potentiels devient dans les milieux électriquement neutres une équation de Laplace :  

Si on ne considère que des conducteurs parfaits disjoints qui sont donc individuellement décrits par une charge globale et un potentiel (chaque conducteur est équipotentiel).  L'équation de Poisson étant linéaire il existe donc entre les potentiels et les charges un relation linéaire, plus précisément le potentiel du conducteur i est lié à toutes les charges présentes par une relation du type :

Dans les cas non dégénérés (déterminant du système non nul), le problème (ou la matrice équivalente) peut être inversé et les charges exprimées en fonction des potentiels selon la relation classique de l'électrostatique :

Comme dans le cas des couplages inductifs les valeurs des coefficients capacitifs sont de deux types, les self capacitances (coefficients Cii) et les capacitances mutuelles (coefficients Cij ), ils peuvent être mesurés ou déterminés analytiquement par la résolution de l'équation de Laplace entre les conducteurs (il est inutile de résoudre l'équation de Poisson car les potentiels sont constants sur chacun des conducteurs). Notons enfin que la réciprocité s'applique aussi aux capacitances mutuelles et que par conséquent la matrice de couplage est aussi une matrice symétrique.

Une fois les potentiels déterminés en tous points du domaine il est possible de calculer la distribution des charges en surface à l'aide du théorème de Gauss.

 

Couplages mixtes non rayonnants

On peut aussi imaginer des situations ou l'on superpose un couplage électrique non rayonnant avec un couplage magnétique non rayonnant. Cela ne pose bien entendu aucun problème si l'un des deux champs est totalement statique par exemple et se contente de créer une contrainte sans être associé à un transfert d'énergie, comme par exemple l'utilisation d'aimants permanents pour maintenir en contact deux dipôles électriques oscillants par exemple. Dans de tels cas il est bien évident que l'un des deux termes de coupage dynamique est nul. Mais on pourrait aussi en arguant que le système d'équation initial étant linéaire, on doit pouvoir superposer deux solutions séparément non rayonnantes l'une électrique l'autre magnétique pour obtenir un système de couplage cette fois totalement EM mais toujours non rayonnant. Ce raisonnement est erroné car les deux systèmes d'équations qui gouvernent chacun des régimes ne sont ni linéaires lorsque l'on rajoute le terme de force à distance ni identiques (les simplifications pour les obtenir ne sont pas les mêmes). La superposition directe de deux systèmes non rayonnants l'un électrique et l'autre magnétique n'est donc pas possible. Il existe toutefois des configurations particulières où le rayonnement lointain reste faible même si des champs intenses variables et  mixtes sont localement présents. Nous reviendrons sur ce problème ultérieurement, notons seulement que dans de tels cas aucune des approximations précédentes ne peut se justifier et qu'il faudra traiter le problème en considérant l'ensemble des équations de Maxwell.

 

Théorèmes de réciprocité

Les théorèmes de réciprocité ou principes de réciprocité, bien que similaires dans leur esprit au principe de l'action/réaction ne concernent pas les mêmes grandeurs physiques, le principe de l'action/réaction découle de la conservation de la quantité de mouvement et est absolument fondamental alors que les théorèmes de réciprocité concernent des égalités entre coefficients ou des propriétés particulières comme le fait qu'une antenne fonctionne de la même manière en émission et en réception et ne s'appliquent que dans certaines situations particulières. En gros pour obtenir la réciprocité il faut que les opérateurs décrivant la situation physique soient hermitiens. C'est le cas en EM en général tant que le milieu diélectrique est scalaire ou possède certaines propriétés assez générales mais il peut exister des milieux très particuliers (dépendant du temps par exemple) ou la réciprocité soit violée. Le lecteur intéressé trouvera des informations plus détaillées dans la référence suivante (Théorèmes de réciprocité Wikipédia).

 

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