Variables bien cachées

 

L'idée force est que l'introduction dans les modèles de certains paramètres cachés inaccessibles par l'expérience directe pourrait cependant nous permettre de construire de nouveaux modèles prédictifs. Par exemple les valeurs de la charge de l'électron ou la vitesse de la lumière apparaîtraient dans de tels modèles comme le résultat d'un calcul et non pas comme des valeurs mesurées et admises comme fondamentales, le fondamental étant de fait repoussé vers un nouveau niveau d'abstraction.  Pour être réellement intéressantes de telles théories devraient, soit prédire plus de valeurs observées qu'elles n'en introduisent de nouvelles échappant à l'analyse, soit, sans expliquer rien de plus, simplement rendre l'ensemble des observations plus intelligible (voir Métaphysique appliquée).  L'élaboration de telles théories se heurte à deux difficultés fondamentales. La première étant des résultats intermédiaires en grande partie incontrôlables, la seconde une marge de manoeuvre réelle relativement réduite au point que certains se demandent si la moindre marge existe.

Si, comme le proposent certaines théories d'unification comme la théorie des cordes, l'introduction de nouvelles variables, comme la longueur de la corde, le fait qu'elle soit fermée ou pas, le nombre de dimensions repliées de l'espace à petite échelle, peu permettre une représentation unifiée de la gravitation avec les autres forces, de telles variables restent avant tout cachées, c'est à dire qu'elles sont par définition totalement inaccessibles directement. C'est en gros l'histoire des ombres de la caverne mais en bien pire car non seulement sortir de la caverne est définitivement impossible mais les ombres observées ne sont pas directement celles des nouveaux personnages imaginés dans le monde extérieur mais celles des conséquences très indirectes de leurs actes. Il s'agirait plutôt à la façon de Sherlock Holmes de reconstituer une histoire par essence totalement fictive mais qui expliquerait certains faits observés et mesurés. Bien entendu la crédibilité que l'on portera au scénario proposé dépendra de son élégance et surtout du nombre de faits nouveaux qu'il éclaire.

On pourrait penser que la marge de manoeuvre est considérable et qu'il suffit de faire preuve d'une imagination débordante, en fait il n'en est rien et certaines contraintes bien réelles limitent fortement les possibilités. Il existe ainsi un certain nombre de théorèmes mathématiques relativement abstraits qui montrent que pour que de tels modèles soient compatibles avec les observations, il faut renoncer à certains aspects dits réalistes, comme par exemple l'idée de causalité. Certains jusqu'au-boutistes pensent même que les théories quantiques actuelles reflètent le maximum du connaissable par l'homme dans sa caverne et que le seul avancement fondamental possible est la démonstration imparable de ce point.

Il est vrai que la physique ne peut plus avancer par tâtonnements progressifs comme elle le faisait encore au siècle dernier, des faits nouveaux venant chaque jours confirmer ou infirmer les hypothèses des scientifiques. De nos jours il faut aller chercher de nouveaux éléments aux confins des énergies accessibles ou de l'univers visible et une fois obtenus ils ne sont pas directement interprétables. Nous avons actuellement entre les mains une description des phénomènes physiques qui, certes couvre un domaine très large, mais qui à l'allure globale d'un puzzle dont les morceaux se recouvrent partiellement mais ne s'emboîtent pas. Pour résoudre ce puzzle faut-il passer par une analyse mathématique systématiquement de plus en plus abstraite ou passons nous à coté d'une idée force ? Il est amusant de penser que, face à des armées de mathématiciens, une telle idée émergera peut-être d'un bricoleur faisant de la métaphysique appliquée dans son garage. Il est difficile de ne pas terminer sans citer le fameux dicton sur l'impossibilité : "tout le monde savait cela impossible, est arrivé un jour un imbécile qui ne le savait pas, et,..... il l'a fait !"